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Réseau d'échange des savoirs de Trouville la Haule

20 Oct

ECHANGE ECRITURE 6-10-2020

Publié par Vice versa

Consignes : Introduire le personnage,, montrer qu’il veut accomplir quelque chose, il passe à l’action, il rencontre un obstacle, puis le surmonte changement dans sa vie

La communion du p’tit Lhommet.

L’armistice avait été signé depuis 2 ans déjà .La vie reprenait son cours, presque comme ci de rien n’était, si  ce n’est que beaucoup d’hommes avaient disparu. Les femmes avaient accédé à des fonctions auxquelles elles  n’avaient jamais pensé devoir  se hisser et il était difficile pour les rescapés  de retrouver leur place d’antan. Bref, le monde était en marche : il fallait reconstruire, aller de l’avant.

Pour Roselyne, rien n’avait changé. Adrien était toujours présent, à faire selon son bon vouloir et elle s’en était bien accommodée.

Leur déménagement  de l’épicerie de Raffetot pour l’hôtel-restaurant de Saint Pierre en Port lui convenait fort bien. Les débuts avaient été délicats. La tâche était immense entre l’organisation  et la maintenance de l’hôtellerie, les repas pour le restaurant. Quant à la gestion du bar et l’approvisionnement, cela revenait à Adrien, du moins quand il était là.

Pour l’aider, à la fin de la guerre, ils avaient pris une employée : Suzanne, alors âgée de 16 ans, toute neuve sortie des jupes de sa mère, que la guerre n’avait pas suffi à faire mûrir. Comme aurait dit Albertine, «  si on lui appuie sur l’nez, il en sortira du lait ». Elle avait tenu à emporter avec elle sa colombe. Roselyne fulminait : « Ah, c’est bien qu’ayons besoin de personnel, te rends-t-y compte : un piaf, dans une cuisine, ça r’fait bien ». Roselyne n’avait pas pour coutume de parler patois, mais quand la colère la prenait, ses origines revenaient au galop.

Le fonctionnement de l’hôtel-restaurant, s’était peu à peu rôdé et Roselyne éprouvait un réel contentement à gérer ce commerce, malgré le nombre d’heures incalculables passé à travailler.

Tout d’abord : elle avait découvert le plaisir de cuisiner.

Pétrir la pâte à tarte, enfouir ses mains dans la farine. Concocter une sauce onctueuse et relevée à souhait. Faire mijoter le lapin-chasseur. L’odeur lui ravissait les papilles. Réaliser des îles flottantes avec leur sauce anglaise, du filet de bœuf sauce madère. Tous ces noms tournoyaient, chantaient dans sa tête, faire monter la mayonnaise, farcir les tomates en été, et se donner le défi de réussir les bûches et surtout le moka, au moment de noël. Surtout garder son calme, et penser aux astuces pour rattraper la crème tournée et puis tout revenait à la normale, pas de beurre jeté, pas d’œufs perdus… Et les meringues ; ah oui ! les meringues ! Le pot-au-feu et les daubes en hiver, sans oublier les traditionnelles bouchées à la reine. Elle en éprouvait une jouissance quasi sensuelle, des frissons parcouraient son dos, quand la saveur d’un plat était à son apothéose et que dire, il n’y avait pas que le goût, mais le visuel aussi. Bien présenter un plat de tomates œufs durs avec un serpentin de mayonnaise sur l’œuf et une pointe de persil, bien rouler les cornets de jambon macédoine pour qu’ils s’étalent en discrets éventails sur leur robe de feuilles de laitue, incrustées de dés de tomates.

En bref, Roselyne, comme nous dirions de nos jours, s’éclatait dans son travail.

 

En ce dimanche de mai 1947, Roselyne s’affaire aux fourneaux, à la préparation de la salle. C’est la communion du fils de ses voisins, le p’tit Jean Lhommet et elle a bien envie de les épater.

La langue-de-bœuf  sauce piquante mijote, le diplomate (charlotte à la confiture d’abricots — recette de l’Albertine — avec sa crème anglaise est au réfrigérateur. La lotte à l’armoricaine est prête à réchauffer avec ses tomates à la provençale. Et les cornets de jambon macédoine mayonnaise sont en attente. Adrien s’est occupé du pain et des alcools Il ne reste plus qu’à dresser la table et le plateau de fromages. Suzanne est chargée de la table, Roselyne, va cueillir des fleurs pour la décoration sur le talus de la maison de la mère Godebie et des roses de son jardin. Elle adore faire ça et aussi plier les serviettes en bonnet d’évêque.

Tout à coup, Suzanne, crie : «  Patronne, vous ne m’avez pas sorti la nappe et les serviettes, comment, j’fais t’y mé, pour met » la table »

« Suzanne, j’vais vous chercher ça, j’ai pratiquement fini la cuisine » Roselyne monte rapidement les escaliers et sort de son armoire les nappes blanches damassées brodées RC[Roselyne Coufourier]. Elle vérifie, elles sont bien nettes, pas tâchées et bien repassées. Elle soupire profondément et redescend pour les apporter à Suzanne.

Suzanne entend alors un grand cri et moult bruits, elle accourt ahurie en direction de l’escalier et trouve Roselyne, affalée, se tenant les reins de douleurs.

                                  

« quiqu’vous est arrivé patronne ? »

« Voyez bien ; j’ai glissé, bon ben, on ne va pas en faire toute une affaire, on a une communion à servir » et la voilà qui se relève tout en grommelant. Suzanne ose à peine ramasser  le linge de table tombé à terre, heureusement non chiffonné.

Roselyne ne se sent pas d’aller cueillir les fleurs dans le jardin, elle a eu assez d’aventures pour aujourd’hui. Heureusement, Blanche  sa fille, arrive, dans la cuisine. A quinze ans, on est bien capable de décorer une table, surtout si on est né dans l’métier. Elle ne pose pas de question à la vue de sa mère, quelque peu sonnée, elle n’est pas du genre à s’écouter. Elle exécute ses ordres et se fait aussi petite qu’une souris, le temps que l’orage passe.

Un grand verre d’eau et Roselyne se reprend, « elle l’a échappé belle se dit elle…. »

Le banquet est une réussite et elle n’a que des compliments.

Sa terrible chute est bien vite oubliée. Mais 3 mois plus tard, elle ressent une profonde fatigue, elle est même prise de vomissements, elle se dit, «  ça va passer, et pis j’ai pas le temps d’aller voir le toubib ». Hé non ! ça ne passe pas, un peu moins de vomissement, mais en plus, elle grossit.

« mais non ! mais oui ! L’impossible est possible. Après toutes ces années, ce n’est pas vrai ! Bon je vais en parler tout de suite au médecin ».

Eh oui ! Roselyne est enceinte… Sa chute dans l’escalier a provoqué une bascule de l’utérus et voilà la fabrique à bébé de nouveau en service. Roselyne en est toute abasourdie. Comment va-t-elle annoncer ça à Adrien et l’commerce avec le bébé, comment va-t-elle faire ?

Ils n’ont pas assez d’argent pour employer du personnel et pas question de demander à l’Albertine, serait trop contente… Pourtant, il a bien fallu trouver une solution et même que la décision n’a pas été facile à prendre et cela lui arrache le cœur : pour Hortense, c’en était fini des rêves de grandeur dans lesquels sa mère l’avait élevée. Fini le lycée de jeune fille de Fécamp, les cours de violon. Elle fut contrainte de rester à la maison pour élever son petit-frère Denis.

Et voilà comment une chute dans l’escalier changea toute une vie.

Sylvie Commare

 

         S.Cabesty                                                                                                           

Teste de Patricia R .

1970

l'exilé laisse son coeur au pays

Nous sommes en 1970, c’est le grand jour, Angel quitte sa famille pour aller gagner sa vie en France.

Sa famille est venue l’accompagner à la gare : Rosa sa grand-mère, veuve,   Maria sa mère, Armando son père et Pilar sa sœur.

Les yeux emplis de larmes, ils agitent leur mouchoir.

Le train surnommé « Puerta del sol », qui relie Madrid à Paris démarre. Angel, assis dans son compartiment suit du regard sa famille chérie, qui continue au loin, à lui envoyer des baisers.

Il voit Pilar pleurer sur l’épaule de son père .  Il ravale sa salive, ferme les yeux. Trop ému, il cache pourtant les larmes qui ruissellent sur ses joues avec le mouchoir brodé par Rosa. Des frissons parcourent son corps, il sent les sanglots montés ..Il se lève et se réfugie aux toilettes. Il se laisse submerger par le chagrin  qui redouble dès qu’il sent l’odeur de lavande laissée par sa mère sur le mouchoir.

Quelqu’un frappe à la porte des toilettes : Boleto por favor !

Angel, 20 ans, est un homme sportif qui a une passion pour  l’escalade. Il est grand, brun, costaud,  beau, mais surtout très, très, fier. Il refuse que le contrôleur voie ses yeux rougis. Il se frotte le visage à l’eau, met les lunettes de soleil qui traîne dans son sac et sort.

Il tend son billet et retourne à sa place près de la fenêtre.

Le paysage défile ; il en veut à Franco de saigner son peuple, de l’obliger à quitter sa terre pour gagner sa vie et celle de sa famille.

Le trajet est long, il s’endort et se met à rêver : Il s’imagine avec Pilar au Nouvel An, en train de se dépêcher de manger les 12 grains de raisin pour avoir de la chance toute l’année, danser la chotis à la san Isidro dans leur costume de chulapos et chulapas.

Il revoit la mantille brodée de sa mère posée sur ses cheveux noirs.

  Il se remémore l’odeur des beignets et des pois chiches grillés, la douceur des siestes sous les amandiers et surtout, il repense à  cette eau, bue à la Fontaine de San Isidro sensée faire des miracles !


Mais de miracle, il n’y en eut point, et le voici dans ce wagon, le cœur démoli,  en route vers une terre inconnue.

 

Le train s’arrête à Paris. Il prend ses bagages et descends sur le quai.

Il est saisi par le froid, la grisaille, et l’odeur âcre. Les gens courent dans tous les sens, personne ne lui sourit, personne ne le remarque.

Il se rend chez Dumez à Chevilly-Larue(94) où un emploi d’ouvrier du Bâtiment l’attend.

Dumez par le biais d’encarts publicitaires dans le  journal « MADRID » est venue recruter directement ses ouvriers dans la capitale espagnole, et ils sont nombreux à avoir répondu à cette promesse. <<Aqui hay trabajo » titrait le journal en parlant de la France et de Dumez
 

La France n’ayant plus que des hippies drogués et faignants est partie chercher des hommes vaillants et courageux en Espagne.

Chez Dumez, on lui donne un équipement pour travailler, un studio dans une sordide hlm et 3,36 francs de l’heure, pour se défoncer le dos à soulever des sacs de gravier pour faire du béton.

Il souffre, mais chaque sac porté, est un soleil qu’il apporte dans la vie des siens et du soleil, il en envoie dès qu’il peut ; quitte à vivre comme un misérable.

Il ne garde pratiquement rien pour lui.

Il ne fait qu’un repas par jour, porte des pantalons et chaussures trouées et  ne prend jamais  de repos.

Il cache sa souffrance à sa mère. Lui envoie des photos clichées, au pied de la tour Eiffel, au sacré cœur. Il veut que ses parents soient fiers de lui et que Pilar ne manque de rien et puisse étudier en paix. Mais, sans nourriture convenable, le beau gars, costaud, devient fragile. Il se met à puiser ses ressources dans le vin.

Un litre, puis deux par jour pour tenir le coup, oublier sa solitude, l’odeur de su adorada abuela et c’est un Angel méconnaissable qui se rend au travail au bout de quelques mois.

Néanmoins les années passent, il progresse dans son travail et réussi à être naturalisé. Vu son aptitude à l’escalade, Dumez l’a affecté aux tâches à plus de 8 mètres.

Juché sur son échafaud, il se revoit sur le mont Peñalara qu’il aimait gravir avec son piolet et sa corde. La hauteur le grise.

 

Un matin, son chef lui demande d’apporter un perforateur béton à un gars déjà en place dans le bâtiment à 9 mètres.

Il grimpe et emprunte une passerelle faite d’un madrier de 20 cm de large, fixé au-dessus d’une ouverture donnant sur un sous-sol à 2 étages en dessous.

La passerelle de fortune n’a pas de garde-corps.

Il s’avance, il n’a pas le vertige, il a de l’expérience, mais sa tête embuée par le trop-plein de vin qu’il consomme dés le matin, ne suit plus, ses yeux tournent, il tend l’engin à l ouvrier puis perds le contrôle, se penche en avant et tombe.

Ses collègues accourent, appellent les pompiers ; il est vivant, mais à 2 vertèbres disloquées entraînant une section de la moelle épinière.

Le diagnostic est clair : paraplégie et fauteuil roulant à vie.

Le médecin l’envoie à Bagnères-de-Bigorre, dans les hautes Pyrénées faire une rééducation des autres membres meurtris et surtout apprendre à vivre avec un fauteuil.

Infirme, blessé, mais toujours beau, il rend amoureuse une jolie infirmière.

Elle s’appelle Julia. Elle aussi est venue chercher fortune de l’autre côté de la frontière espagnole. Elle habite, seule, une grande  maison dans la vallée de Lesponne.

Elle y a investi toutes ses économies pour pouvoir un jour y rapatrier les siens.
 

À la fin de sa longue convalescence, elle propose à Angel de s’y installer
 

Angel, très amoureux aussi, accepte.

L’état français lui verse une rente d’accident de travail. Il n’a plus à s’inquiéter pour ses finances, mais la solitude le pèse lorsque Julia travaille.

Il regarde par la fenêtre le pic du midi, parfois il pleure de rage de ne peux plus pouvoir escalader.

Un soir de décembre, en rentrant, Julia le trouve assis avec une bouteille, près du sapin, en train de gémir comme un animal blessé ; sa famille lui manque.

Julia lui fait un gros câlin et lui demande de lui dire tout ce qu’il sait sur sa famille. Ils parlent toute la nuit. Au petit jour, ils dorment comme deux bébés apaisés.

 

Nous sommes le 24 décembre 1976 jour de la « Noche Buena »,

Franco est mort depuis plus d’un an, Julia est absente depuis le midi alors qu’elle est en repos.

Angel pense qu’elle est partie acheter de l’agneau qu’elle va rôtir pour le réveillon. Il est là près de sa fenêtre et déguste un turrón avec un café.

Il fixe le portail, pressé de la voir arriver. Il aime ses longs cheveux, sa silhouette élancée, il adore la voir sortir de sa voiture avec ses longues jambes.

Il adore... il adore... il adore tout de Julia.

18 h, la voiture s’arrête . Julia sort, et au lieu de se diriger vers la grille,

ouvre la portière droite et aide à sortir, une vieille femme voûtée avec une canne, les cheveux blancs cachés sous un foulard noir.

De l’arrière  sortent trois autres personnes : une jeune femme resplendissante et un couple qui lui semble très familier.

Il ouvre la fenêtre pour mieux voir  et crie la voie brouillée par les sanglots :
 

<<Mama, papa Pilar ! > puis il hurle<< mi querida abuelita.>>

 

La vieille dame lève la tête, il reconnaît ses joues creusées, qu’il aimait embrasser, ses  mains usées, crispées sur sa canne qu’il aimait caresser.

 

Il ne peut pas dévaler l’escalier pour les rejoindre, mais il les attend au pied de la porte.

Julia en secret, lui a fait le plus beau Noël de sa vie. Elle a payé tous les voyages pour rapprocher Angel de ses amours

 

Goulûment il embrasse sa famille, il rit, il pleure ..sa mère en larme le serre contre son cœur : <<mi Cariño>>
 

Pilar, aujourd’hui avocate, sait tout ce qu’elle lui doit et veut le remercier ; elle le couvre de bisous.
 

Et c’est barbouillé de rouge à lèvres qu’il passe la soirée avec les amours de sa vie.

À minuit un petit verre de Bruja de Rozas* à la main, Julia tend un petit paquet à Angel sous l’œil complice de la famille.

Curieux, il ouvre la boîte et voit au fond, quatre petits chaussons de laine.

Pilar s’approche et lui dit : Angel, tu vas être Papa et tonton en même temps.

Julia souriante lui prend la main la pose sur son ventre et sur celui de Pilar et l’embrasse

il a compris. Il est heureux.

                                                                       FIN

 


*La cuvée La Bruja de Rozasest un vin rouge élaboré par le domaine Comando G dans l’appellation Vinos de Madrid (D.O.) dans la province de Madrid, Espagne. C’est une cuvée monocépage de Grenache.

 


 

Le ciel  gris, gris souris plombait la belle ville de Pont-Audemer. Quelques mouettes éparses ponctuaient l’horizon de leurs cris piailleurs, et des corneilles ébène tournaient autour du clocher de l’église dorée restaurée depuis peu. Sur le parvis de cet édifice,  se tenaient trois hommes vêtus d’un habit queue de pie, d’un pantalon rayé noir et blanc, chaussés de grands godillots vernis noirs, avec dans une main un chapeau haut de forme et dans l’autre une montre gousset, qu’ils tenaient ostensiblement à hauteur de leurs yeux au carrefour des maisons à colombage et de leur regard sombre.

Le temps semblait comme suspendu à un fil, les bruits extérieurs s’évanouirent en un soupir. Silence bientôt déchiré par le retentissement assourdissant d’une volée de cloches joyeuses.Le drapeau français, étendard national surgit par les fenêtres des habitations normandes

Après un long moment de stupeur, La foule en liesse se répandit dans les rues comme une rivière en crue et moult clameurs de joie fusèrent.Les hommes en costume replacèrent leur montre dans leur gilet, se coiffèrent  de leur chapeau et se dirigèrent vers l’hôtel de ville, place de la montagne Ste Beuve.

L’armistice de la deuxième guerre mondiale venait d’être signé.

 

Sylvie Commare

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H
Merci pour le partage, passez me voir sur mon blog. https://hifi-mathis.blogspot.com/
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