D’après la chanson de Léo Ferré : Le testament
Le testament de Marie -jo
Avant de passer l’arme à gauche
Avant que la faux ne me fauche
Tel jour telle heure ou telle année
Sans fric sans papier sans notaire
Je te laisse ici l’inventaire
De ce que j’ai mis de côté
Le jardin que j’ai voulu fleuri
Mon cœur apaisé que tu as embelli
Au fil des récoltes, pas à pas semées.
Aussi les jours ensoleillés du plein été
Que nous avons gravés dans nos éternités
Les fenêtres ouvertes sur le temps passé
Les bouquins qui ont tant raconté
Les chansons qui nous ont enchantés
Les danses et les souvenirs avec les amis
Les bois du brasier c’est eux qui l’ont mis
Pour alimenter le feu de la vie
Tous les petits qui ont grandi
Le labeur des jours à perpétuer
Les confitures, les fantaisies tricotées
Et nos entretiens secrets à conserver
Mais je te laisse ça comme un signe tendre
Une aquarelle, un dessin qu’il faut comprendre
Le bleu des myosotis dans notre jardin
(Forget me not) ne m’oublie pas au printemps le matin
Le testament de Sylvie
Avant d’atteindre l’autre rive
Celle dont personne ne revient
Tel jour, telle heure, en telle année
Sans fric, sans papier, sans notaire
Je te laisse ici l’inventaire
De ce que j’ai mis de côté
Les murmures des terre-neuvas au port de Fécamp,
Le cliquetis des mats dans le port sous le vent
L’horizon lumineux et iodé du large,
Les falaises argentées criblées de mouettes barges.
Les fleurs du mal qui m’ont tant fait rêver, grandir,
Les plages de sable blanc immense, infini,
Nos traces de pas en complète harmonie,
Les dunes pleines encore de tes éclats de rire,
Eclat de rire
Mon bric à brac d’objets patiemment collectés,
Mes colliers colorés dans le gris de tes yeux,
Mon souffle de soprane, tendre, mystérieux,
Avec ses trémolos à te faire chavirer.
Tous les récits du monde et les mille et une nuits,
Mon rythme de cigale sur ta vie de fourmi,
La béatitude des chats, au coin du feu,
Dans le ronronnement infini des jours heureux,
Des jours heureux.
Mes combats, mes croyances en un monde meilleur.
Mes amis, mes enfants, émissaires du bonheur.
Mes souliers impatients de repartir ailleurs.
Les murs en colombage de notre vie sans ambages,
Les haies brise-vent, rempart de notre rage,
Notre maison avec mes rêves pour tout rivage.
Avant d’atteindre l’autre rive
Celle dont personne ne revient
Tel jour, telle heure, en telle année
Sans fric, sans papier, sans notaire
Je te laisse ici l’inventaire
De ce que j’ai mis de côté
Mais je te laisse ça comme une chanson tendre
Avec ta fantaisie qui fera beaucoup mieux
Et puis ma voix aigue que tu pourras entendre
En laissant retomber le rideau si tu veux
Si tu veux
Sylvie Commare